Chronique du Cri de l'ormeau de "Dans le sillage des forbans".
Ce roman, en deux opus est dédié aux amoureux de la mer et de la Bretagne. L’auteur retrace avec minutie la vie de pêcheurs de villages côtiers lors des guerres 14/18 et 39/45.
L’intrigue illustre parfaitement les coutumes de l’époque. Au fil des chapitres, se tissent des liens très forts entre les personnages mais la cruauté de la guerre est au rendez-vous, beaucoup y laisseront leur vie et aucun ne pourra oublier. Entre collaboration et résistance, désir de vengeance et secrets, la conscience collective est ébranlée.
Ne dit-on pas que la Bretagne est un grand lit de granit ? Il en va de même pour les personnages taillés dans le roc. La dignité, la fraternité sont comme les tempêtes bretonnes, sincères et fortes. On en réchappe ou pas. Peu de compromis pour les protagonistes de ce roman, ils vivent avec leur passé et leurs espoirs mais toujours la tête haute.
On se laisse happer par la mer, le climat et les personnages retrouvés avec plaisir d’un opus à l’autre.
Roman historique, haut en couleur mais rarement bleu comme la mer, tantôt gris-bleu, tantôt gris granit, tantôt noir, selon le flux et reflux de la vie.
Palettes de sensations et de matières, l’osmose est parfaite entre la vie à terre et en mer.
Editions des montagnes noires http://edmontagnesnoires.weebly.com/
Auteur : Val
Une autre chronique de "Terre Du Noir", blog de romans policiers :
"Dans le sillage des forbans" vient de sortir aux éditions Coop Breizh. Il s'agit en fait de la réunion des deux premiers romans de l'auteur initialement intitulés : "Tenter le diable" et "Priez pour nous".
Sortis en auto-édition, ces deux livres avaient bien marchés mais n'avaient pas conquis le lectorat dont ils méritaient.
Avec cette édition, gageons que cette fois mal sera réparé car ce livre le vaut bien.
J'avais déjà eu l'occasion de chroniquer ces livres dans ce blog. Je recopie donc mes commentaires ci-dessous.
La nouvelle couverture, créée par Hugues Mahoas, est très belle et illustre à merveille l'univers de Yann Tatibouët.
"Priez pour nous"
Priez pour nous...pauvres pêcheurs, pourraient-on se dire à la lecture de ce roman singulier. Pas vraiment un polar à proprement parlé, ce livre est aussi historique qu'ethnologique.
L'histoire :
Octobre 1918, l'armistice vient d'être signé, la Grande Guerre se termine à peine. Pourtant, tous les hommes ne sont pas en paix. Vincent Falc'hun se terre sur les berges du golfe du Morbihan. Il n'a qu'un but : la vengeance.
Mais à côtoyer les pêcheurs, à naviguer sur un forban et à frôler la peau d'une femme, il va trouver bien plus... et perdre davantage.
Le décor est posé. Le golfe du Morbihan sert d'écrin magnifique à ce récit terrible. On y croise des personnages taillés dans le granit breton, des types au caractère bien dur, des femmes fortes habituées aux drames, à la mort, lot traditionnel des marins. Et puis, il y a cette guerre. Destructrice, ravageuse. Et puis, il y a ces hommes qui y sont revenus, parfois diminués autant physiquement que moralement. Ceux qui n'y sont pas allés, qui ont continué à travailler sur la terre de leurs ancètres. Grâce à Yann Tatibouët, on découvre la vie dans une bourgade bretonne du début du XXème siècle. On en apprend beaucoup sur les pêcheurs du Golfe mais aussi sur leurs moeurs : le mariage, les veillées, les pardons, leurs habitations, la religion...
Je me suis demandé toutefois si le récit n'était pas trop technique ou "breto-centré". De nombreuses expressions font partie du langage breton qu'un non initié peut ne pas comprendre mais finalement, l'auteur fait en sorte de développer ses phrases d'une manière explicite et limpide.
J'ai évoqué plus haut le relief particulièrement intéressant des personnages. Cela se traduit aussi dans les dialogues, non dénués d'humour... :
" - N'aie pas de remords, ça doit lui rappeler le bon vieux temps où il pionçait sur les ponts.
- Il se tapait la cloche ? Il n'a pourtant pas l'air d'avoir eu une vie de mendiant...
- Mais non, benêt ! sur le pont des navires ! Essaie donc ces bottes au lieu de dire des conneries. "
... ou de gravité à l'évocation des tranchés :
"- Des héros, je n'en ai pas vu beaucoup des les tranchées, juste des hommes qui faisaient ce qu'ils devaient de façon héroïque. La peur, je peux vous en parler si vous y tenez tant. La peur du froid, des gaz, des grenades, des avions, des maladies, des tanks, de la faim, du magnésium qui révèle votre position dans la nuit la plus noire, des barbelés, de la soif, de la douleur, du lance-flammes, de la mitrailleuse, de la baïonnette, de l'ensevelissement quand le talus de retranchement s'effondre, des crapouillots, de la vermine qui grouille sous les vêtements, des poux, des mouches, de la mouscaille. Je peux surtout vous parler de la peur d'avoir peur, la pire peut-être. "
Enfin, il y a cette vengeance sourde. Celle de Vincent. Celle qui l'a amené dans ce village perdu. Parviendra-t-il à l'assouvir ?
Vous l'aurez compris, "Priez pour nous" est une véritable pépite à ne manquer sous aucun prétexte ! Un pélerinage à Saint-Anne d'Auray et quarante Pater pour celui qui ne l'aura pas lu dans l'année !
Kenavo Yann et à très bientôt !
Automne 1943, l'équipage d'un chalutier breton est décimé par les nazis.
Les survivants se terrent en rêvant de l'Angleterre. Ils sont hébergés chez Gwendal Pennawel, conteur d'exception, qui va réaliser l'oeuvre de sa vie en inventant un audacieux plan d'évasion. Qui en paiera le prix ?
Les barbelés n'arrêtent pas le vent de liberté qui souffle sur l'océan. Ce fut singulièrement vrai au cours de la Seconde Guerre mondiale pour de nombreux marins.
Tenter le diable
Dans ce roman mi-historique mi-polar mi-ethnologique, on retrouve les personnages du premier opus "Priez pour nous". Toute cette communauté de marins du Bono (petit port proche d'Auray en Bretagne Sud) a vieilli depuis 1918. Des chemins se sont séparés, des destins se sont éveillés, des drames se sont noués. Et c'est au coeur de la Seconde guerre mondiale que ces marins vont se retrouver pour lutter contre l'ennemi commun : les allemands. Ceux-ci sont bien implantés dans cette région sauvage et majestueuse. Eminément stratégique aussi car il s'agit pour l'occupant de contrôler tout départ et surtout tout débarquement anglais sur les côtes. Pas facile quand on connaît le caractère des bretons. Dur comme le granit et d'une loyauté à toute épreuve.
Ce livre est aussi l'occasion pour l'auteur de nous décrire les conditions de vie de ces hommes et de ces femmes, loin du champ de bataille, mais soumis à un régime sévère et autoritaire où tout le monde se méfie de tout le monde. Les certitudes d'autrefois ne sont plus les celles du moment. La faim, la peur, les dénonciations, les collabos, les exactions multiples et quotidiennes des nazis mettent à mal le moral des bretons.
Et dans l'ombre, un plan se trame pour sauver un équipage promis aux camps.
Comme dans son précédent roman, Yann Tatibouët raconte avec une précision historique cette guerre en utilisant les mêmes recettes : des descriptions succintes et des dialogues tranchants. Parfois, l'on croirait assister à de véritables joutes verbales tant les échanges entre les personnages sont vigoureux !
Bref, un très bon roman !
Ce roman, en deux opus est dédié aux amoureux de la mer et de la Bretagne. L’auteur retrace avec minutie la vie de pêcheurs de villages côtiers lors des guerres 14/18 et 39/45.
L’intrigue illustre parfaitement les coutumes de l’époque. Au fil des chapitres, se tissent des liens très forts entre les personnages mais la cruauté de la guerre est au rendez-vous, beaucoup y laisseront leur vie et aucun ne pourra oublier. Entre collaboration et résistance, désir de vengeance et secrets, la conscience collective est ébranlée.
Ne dit-on pas que la Bretagne est un grand lit de granit ? Il en va de même pour les personnages taillés dans le roc. La dignité, la fraternité sont comme les tempêtes bretonnes, sincères et fortes. On en réchappe ou pas. Peu de compromis pour les protagonistes de ce roman, ils vivent avec leur passé et leurs espoirs mais toujours la tête haute.
On se laisse happer par la mer, le climat et les personnages retrouvés avec plaisir d’un opus à l’autre.
Roman historique, haut en couleur mais rarement bleu comme la mer, tantôt gris-bleu, tantôt gris granit, tantôt noir, selon le flux et reflux de la vie.
Palettes de sensations et de matières, l’osmose est parfaite entre la vie à terre et en mer.
Editions des montagnes noires http://edmontagnesnoires.weebly.com/
Auteur : Val
Une autre chronique de "Terre Du Noir", blog de romans policiers :
"Dans le sillage des forbans" vient de sortir aux éditions Coop Breizh. Il s'agit en fait de la réunion des deux premiers romans de l'auteur initialement intitulés : "Tenter le diable" et "Priez pour nous".
Sortis en auto-édition, ces deux livres avaient bien marchés mais n'avaient pas conquis le lectorat dont ils méritaient.
Avec cette édition, gageons que cette fois mal sera réparé car ce livre le vaut bien.
J'avais déjà eu l'occasion de chroniquer ces livres dans ce blog. Je recopie donc mes commentaires ci-dessous.
La nouvelle couverture, créée par Hugues Mahoas, est très belle et illustre à merveille l'univers de Yann Tatibouët.
"Priez pour nous"
Priez pour nous...pauvres pêcheurs, pourraient-on se dire à la lecture de ce roman singulier. Pas vraiment un polar à proprement parlé, ce livre est aussi historique qu'ethnologique.
L'histoire :
Octobre 1918, l'armistice vient d'être signé, la Grande Guerre se termine à peine. Pourtant, tous les hommes ne sont pas en paix. Vincent Falc'hun se terre sur les berges du golfe du Morbihan. Il n'a qu'un but : la vengeance.
Mais à côtoyer les pêcheurs, à naviguer sur un forban et à frôler la peau d'une femme, il va trouver bien plus... et perdre davantage.
Le décor est posé. Le golfe du Morbihan sert d'écrin magnifique à ce récit terrible. On y croise des personnages taillés dans le granit breton, des types au caractère bien dur, des femmes fortes habituées aux drames, à la mort, lot traditionnel des marins. Et puis, il y a cette guerre. Destructrice, ravageuse. Et puis, il y a ces hommes qui y sont revenus, parfois diminués autant physiquement que moralement. Ceux qui n'y sont pas allés, qui ont continué à travailler sur la terre de leurs ancètres. Grâce à Yann Tatibouët, on découvre la vie dans une bourgade bretonne du début du XXème siècle. On en apprend beaucoup sur les pêcheurs du Golfe mais aussi sur leurs moeurs : le mariage, les veillées, les pardons, leurs habitations, la religion...
Je me suis demandé toutefois si le récit n'était pas trop technique ou "breto-centré". De nombreuses expressions font partie du langage breton qu'un non initié peut ne pas comprendre mais finalement, l'auteur fait en sorte de développer ses phrases d'une manière explicite et limpide.
J'ai évoqué plus haut le relief particulièrement intéressant des personnages. Cela se traduit aussi dans les dialogues, non dénués d'humour... :
" - N'aie pas de remords, ça doit lui rappeler le bon vieux temps où il pionçait sur les ponts.
- Il se tapait la cloche ? Il n'a pourtant pas l'air d'avoir eu une vie de mendiant...
- Mais non, benêt ! sur le pont des navires ! Essaie donc ces bottes au lieu de dire des conneries. "
... ou de gravité à l'évocation des tranchés :
"- Des héros, je n'en ai pas vu beaucoup des les tranchées, juste des hommes qui faisaient ce qu'ils devaient de façon héroïque. La peur, je peux vous en parler si vous y tenez tant. La peur du froid, des gaz, des grenades, des avions, des maladies, des tanks, de la faim, du magnésium qui révèle votre position dans la nuit la plus noire, des barbelés, de la soif, de la douleur, du lance-flammes, de la mitrailleuse, de la baïonnette, de l'ensevelissement quand le talus de retranchement s'effondre, des crapouillots, de la vermine qui grouille sous les vêtements, des poux, des mouches, de la mouscaille. Je peux surtout vous parler de la peur d'avoir peur, la pire peut-être. "
Enfin, il y a cette vengeance sourde. Celle de Vincent. Celle qui l'a amené dans ce village perdu. Parviendra-t-il à l'assouvir ?
Vous l'aurez compris, "Priez pour nous" est une véritable pépite à ne manquer sous aucun prétexte ! Un pélerinage à Saint-Anne d'Auray et quarante Pater pour celui qui ne l'aura pas lu dans l'année !
Kenavo Yann et à très bientôt !
Automne 1943, l'équipage d'un chalutier breton est décimé par les nazis.
Les survivants se terrent en rêvant de l'Angleterre. Ils sont hébergés chez Gwendal Pennawel, conteur d'exception, qui va réaliser l'oeuvre de sa vie en inventant un audacieux plan d'évasion. Qui en paiera le prix ?
Les barbelés n'arrêtent pas le vent de liberté qui souffle sur l'océan. Ce fut singulièrement vrai au cours de la Seconde Guerre mondiale pour de nombreux marins.
Tenter le diable
Dans ce roman mi-historique mi-polar mi-ethnologique, on retrouve les personnages du premier opus "Priez pour nous". Toute cette communauté de marins du Bono (petit port proche d'Auray en Bretagne Sud) a vieilli depuis 1918. Des chemins se sont séparés, des destins se sont éveillés, des drames se sont noués. Et c'est au coeur de la Seconde guerre mondiale que ces marins vont se retrouver pour lutter contre l'ennemi commun : les allemands. Ceux-ci sont bien implantés dans cette région sauvage et majestueuse. Eminément stratégique aussi car il s'agit pour l'occupant de contrôler tout départ et surtout tout débarquement anglais sur les côtes. Pas facile quand on connaît le caractère des bretons. Dur comme le granit et d'une loyauté à toute épreuve.
Ce livre est aussi l'occasion pour l'auteur de nous décrire les conditions de vie de ces hommes et de ces femmes, loin du champ de bataille, mais soumis à un régime sévère et autoritaire où tout le monde se méfie de tout le monde. Les certitudes d'autrefois ne sont plus les celles du moment. La faim, la peur, les dénonciations, les collabos, les exactions multiples et quotidiennes des nazis mettent à mal le moral des bretons.
Et dans l'ombre, un plan se trame pour sauver un équipage promis aux camps.
Comme dans son précédent roman, Yann Tatibouët raconte avec une précision historique cette guerre en utilisant les mêmes recettes : des descriptions succintes et des dialogues tranchants. Parfois, l'on croirait assister à de véritables joutes verbales tant les échanges entre les personnages sont vigoureux !
Bref, un très bon roman !
Terre du Noir nous parle aussi de "La veillée des ombres" :
1897, Bretagne, la fine fleur des conteurs doit se réunir dans le plus grand secret pour une joute orale.
Chim marche d'un bon pas vers le lieu du rendez-vous, convaincu d'emporter le titre de maître diseur. Une certitude qui lui en ferait presque oublier les motivations personnelles qui le mènent aussi à Kersabat, une ferme de Carnac : se faire reconnaître, demander réparation et récupérer son dû.
Il n'arrivera jamais à destination, assassiné en chemin.
Le capitaine chargé de l'enquête ne manque pas de suspects : les conteurs aux âmes lourdes de secrets, ou Maela la maîtresse de maison. Pour confondre le coupable, malgré l'hostilité ambiante, il décide de participer à la veillée.
Au matin, Dieu reconnaîtra les siens, à moins que le diable ne les emporte tous.
Petit dernier d'un auteur dont j'ai déjà eu l'occasion de parler en ce lieu. Mi-polar, mi-roman ethnologique, Yann Tatibouët continue son exploration de la Bretagne à travers sa population, ses mœurs, ses traditions. Ce roman construit habilement se déroule en une nuit pendant laquelle chaque conteur en compétition va rivaliser d'imagination pour gagner le titre honorifique et très prisé de maître diseur.
Les discours des personnages sont donc entrecoupés de contes et de récits dont certains sont même inventés par l'auteur. Inutile de préciser que ces récits qu'on lisait au coin du feu dans les veillées bretonnes sont drôles, cyniques et truculents. Parfois violent et sombre comme peut l'être la société armoricaine dans laquelle la mort rôde.
La veillée des ombres est un roman habile, fin, intelligemment écrit et passionnant. Il a été également lauréat du Prix de littérature 2012 du Lions Clubs International.
Il est disponible aux éditions des Montagnes Noires et trouvera aisément sa place près de la cheminée.
http://edmontagnesnoires.weebly.com/
1897, Bretagne, la fine fleur des conteurs doit se réunir dans le plus grand secret pour une joute orale.
Chim marche d'un bon pas vers le lieu du rendez-vous, convaincu d'emporter le titre de maître diseur. Une certitude qui lui en ferait presque oublier les motivations personnelles qui le mènent aussi à Kersabat, une ferme de Carnac : se faire reconnaître, demander réparation et récupérer son dû.
Il n'arrivera jamais à destination, assassiné en chemin.
Le capitaine chargé de l'enquête ne manque pas de suspects : les conteurs aux âmes lourdes de secrets, ou Maela la maîtresse de maison. Pour confondre le coupable, malgré l'hostilité ambiante, il décide de participer à la veillée.
Au matin, Dieu reconnaîtra les siens, à moins que le diable ne les emporte tous.
Petit dernier d'un auteur dont j'ai déjà eu l'occasion de parler en ce lieu. Mi-polar, mi-roman ethnologique, Yann Tatibouët continue son exploration de la Bretagne à travers sa population, ses mœurs, ses traditions. Ce roman construit habilement se déroule en une nuit pendant laquelle chaque conteur en compétition va rivaliser d'imagination pour gagner le titre honorifique et très prisé de maître diseur.
Les discours des personnages sont donc entrecoupés de contes et de récits dont certains sont même inventés par l'auteur. Inutile de préciser que ces récits qu'on lisait au coin du feu dans les veillées bretonnes sont drôles, cyniques et truculents. Parfois violent et sombre comme peut l'être la société armoricaine dans laquelle la mort rôde.
La veillée des ombres est un roman habile, fin, intelligemment écrit et passionnant. Il a été également lauréat du Prix de littérature 2012 du Lions Clubs International.
Il est disponible aux éditions des Montagnes Noires et trouvera aisément sa place près de la cheminée.
http://edmontagnesnoires.weebly.com/
Une chronique du site d'Eireann Yvon :
Marions les !
Je ne connais cet auteur ni d'Adam ni d'Eve mais bon ; un livre sur la Bretagne ne pouvait que m'intéresser. La couverture un peu tapageuse est malgré tout très agréable avec un Josig petit bonhomme espiègle. Pour ceux qui ne le savaient pas, l'expression « ne voir que dalle », vient du breton « dall » qui veut dire aveugle.
Nous sommes en 1905, entre Pluneret, St Goustan et Auray , Alan an Dall va voir sa filleule Églantine, celle-ci lui annonce son intention de se marier, ce qui en soi n'est pas un problème, le souci, c'est le nom du futur époux, Jakez Pointer! Déjà il est de condition sociale supérieure. De plus son père et le père d'Églantine, après avoir été très amis, se vouent une haine farouche! Alan se retrouve dans la situation très délicate d'« entremetteur» ! Mais il est malin et a une imagination débordante, le bougre. Il loue les services de Josig, jeune orphelin, pour l'accompagner dans sa mission. Entre le vieux barde bougon et autoritaire et l'enfant à la langue bien pendue et pas décidé à se laisser faire, l'amitié va grandissante. Mais revenons à nos tourtereaux, objets de toutes les convoitises et bientôt de toutes les rancœurs. En effet les pères réconciliés, c'est un voisin riche propriétaire terrien qui aurait bien épousé Églantine et très accessoirement ses terres! Alors, suite à une dénonciation anonyme, Alan est recherché par la maréchaussée et devient bien malgré lui un fugitif.....
Il trouvera refuge chez Suzette, qui ne fait pas des crêpes, mais qui s'y connait en dentelles, elle est en effet tenancière d'une maison close florissante à Vannes......Il s'ensuit une série d'aventures rocambolesques fort bien menées....
Alan an Dall n'est pas aveugle de naissance, mais de guerre, victime des armées prussiennes en 1871. Il mène une vie pour le moins chaotique, un peu rebelle, pamphlétaire, et malin. Sous un aspect bourru, c'est un homme de conviction et d'amitiés. Matelin, l'ami de guerre, marin, et Églantine, sa fille , filleule d'Alan, sont sa seule famille. Suzette, la tenancière de la maison close, secrètement amoureuse d'Alan ; elle lui offrira le gîte et le couvert, mais celui-ci (du moins on le suppose) refusera le « Et plus si affinités... » Josig, jeune mendiant, qui deviendra les yeux d'Alan, son complice et espère-t-il son successeur. Petit « Titi » à la mode de Bretagne, un personnage attachant. Il faut des « méchants » : Yvon Le Borgne et son complice Pôlig furent ces deux là, mais la justice les châtiera !
Le langage est savoureux surtout entre Alan qui est aveugle, ne l'oublions pas, et Églantine, sa filleule âgée de vingt ans, on parle de baisers d'Espagne, d'intestins qui chantent la Marseillaise et autres phrases du même tonneau (d'alcool de pomme, bien évidement).
Dans sa préface, l'auteur nous dit que la guerre de 1918 marque la fin de la civilisation ou du moins d'une manière de vivre en Bretagne.
Dans ce récit, il nous parle de deux événements marquants de l'histoire de Bretagne, le camp de Conlie (surnommé Kerfank, la ville de boue par les Bretons), puis la bataille du Mans, perdue par les troupes françaises en 1871, dont le général Chanzy rejettera la faute sur les bataillons bretons. Le second événement est l'inventaire pour la séparation des biens de l'église et de l'état à Saint Anne d'Auray qui, semble-t-il, donna lieu à une explication musclée entre la foule et la gendarmerie.
Une lecture agréable qui permet de passer un bon moment en compagnie d'un personnage qui était une des figures principales des sociétés celtiques, comme le souligne l'auteur dans une note en avant-propos:
- Bienvenue dans un monde où la parole est honnête et l'écrit suspect, où la religion catholique est omniprésente, et où les échanges avec l'au-delà semblent naturels. Un monde dans lequel règne le barde.
Extraits :
- Ivrognerie et la gloutonnerie étaient certes des cordes à son arc, mais pouvait-on convenablement parler de talents ?
- Ma vieille mère, Dieu lui pardonne, disait que le mariage était trois jours de noces à sucer la moelle et des années à ronger les os.
- Dois-je rappeler que ton père et celui de ton soupirant ne se sont plus adressés la parole depuis le jour de ta naissance ?
-Ma filleule, tu es aussi curieuse qu'un seuil de porte.
- Un beau parleur se devait d'avoir des oreilles partout en Bretagne.
- Églantine un joli minois, mais belle tournure ne vaut pas gros tas de fumier.
- Mont pet ne fait jamais demi-tour.... murmura le marin.
- Un miracle laïc, le bon Dieu n'ayant probablement pas eu son mot à dire dans cette affaire : l'État déversait sa corne d'abondance directement dans les poches de la tenancière.
- Souillées dans la boue les hermines brodées sur les képis qui tombaient du front des morts.... et Français et Teutons ont fait la paix sur le dos des Bretons.
- Puis viendrait le repas....Ah, le rôti ! Ah, le far!
- Car après tout, la pomme ridée n'a pas perdu son goût.
Éditions : Keltia Graphic (2009) : http://edmontagnesnoires.weebly.com/
Marions les !
Je ne connais cet auteur ni d'Adam ni d'Eve mais bon ; un livre sur la Bretagne ne pouvait que m'intéresser. La couverture un peu tapageuse est malgré tout très agréable avec un Josig petit bonhomme espiègle. Pour ceux qui ne le savaient pas, l'expression « ne voir que dalle », vient du breton « dall » qui veut dire aveugle.
Nous sommes en 1905, entre Pluneret, St Goustan et Auray , Alan an Dall va voir sa filleule Églantine, celle-ci lui annonce son intention de se marier, ce qui en soi n'est pas un problème, le souci, c'est le nom du futur époux, Jakez Pointer! Déjà il est de condition sociale supérieure. De plus son père et le père d'Églantine, après avoir été très amis, se vouent une haine farouche! Alan se retrouve dans la situation très délicate d'« entremetteur» ! Mais il est malin et a une imagination débordante, le bougre. Il loue les services de Josig, jeune orphelin, pour l'accompagner dans sa mission. Entre le vieux barde bougon et autoritaire et l'enfant à la langue bien pendue et pas décidé à se laisser faire, l'amitié va grandissante. Mais revenons à nos tourtereaux, objets de toutes les convoitises et bientôt de toutes les rancœurs. En effet les pères réconciliés, c'est un voisin riche propriétaire terrien qui aurait bien épousé Églantine et très accessoirement ses terres! Alors, suite à une dénonciation anonyme, Alan est recherché par la maréchaussée et devient bien malgré lui un fugitif.....
Il trouvera refuge chez Suzette, qui ne fait pas des crêpes, mais qui s'y connait en dentelles, elle est en effet tenancière d'une maison close florissante à Vannes......Il s'ensuit une série d'aventures rocambolesques fort bien menées....
Alan an Dall n'est pas aveugle de naissance, mais de guerre, victime des armées prussiennes en 1871. Il mène une vie pour le moins chaotique, un peu rebelle, pamphlétaire, et malin. Sous un aspect bourru, c'est un homme de conviction et d'amitiés. Matelin, l'ami de guerre, marin, et Églantine, sa fille , filleule d'Alan, sont sa seule famille. Suzette, la tenancière de la maison close, secrètement amoureuse d'Alan ; elle lui offrira le gîte et le couvert, mais celui-ci (du moins on le suppose) refusera le « Et plus si affinités... » Josig, jeune mendiant, qui deviendra les yeux d'Alan, son complice et espère-t-il son successeur. Petit « Titi » à la mode de Bretagne, un personnage attachant. Il faut des « méchants » : Yvon Le Borgne et son complice Pôlig furent ces deux là, mais la justice les châtiera !
Le langage est savoureux surtout entre Alan qui est aveugle, ne l'oublions pas, et Églantine, sa filleule âgée de vingt ans, on parle de baisers d'Espagne, d'intestins qui chantent la Marseillaise et autres phrases du même tonneau (d'alcool de pomme, bien évidement).
Dans sa préface, l'auteur nous dit que la guerre de 1918 marque la fin de la civilisation ou du moins d'une manière de vivre en Bretagne.
Dans ce récit, il nous parle de deux événements marquants de l'histoire de Bretagne, le camp de Conlie (surnommé Kerfank, la ville de boue par les Bretons), puis la bataille du Mans, perdue par les troupes françaises en 1871, dont le général Chanzy rejettera la faute sur les bataillons bretons. Le second événement est l'inventaire pour la séparation des biens de l'église et de l'état à Saint Anne d'Auray qui, semble-t-il, donna lieu à une explication musclée entre la foule et la gendarmerie.
Une lecture agréable qui permet de passer un bon moment en compagnie d'un personnage qui était une des figures principales des sociétés celtiques, comme le souligne l'auteur dans une note en avant-propos:
- Bienvenue dans un monde où la parole est honnête et l'écrit suspect, où la religion catholique est omniprésente, et où les échanges avec l'au-delà semblent naturels. Un monde dans lequel règne le barde.
Extraits :
- Ivrognerie et la gloutonnerie étaient certes des cordes à son arc, mais pouvait-on convenablement parler de talents ?
- Ma vieille mère, Dieu lui pardonne, disait que le mariage était trois jours de noces à sucer la moelle et des années à ronger les os.
- Dois-je rappeler que ton père et celui de ton soupirant ne se sont plus adressés la parole depuis le jour de ta naissance ?
-Ma filleule, tu es aussi curieuse qu'un seuil de porte.
- Un beau parleur se devait d'avoir des oreilles partout en Bretagne.
- Églantine un joli minois, mais belle tournure ne vaut pas gros tas de fumier.
- Mont pet ne fait jamais demi-tour.... murmura le marin.
- Un miracle laïc, le bon Dieu n'ayant probablement pas eu son mot à dire dans cette affaire : l'État déversait sa corne d'abondance directement dans les poches de la tenancière.
- Souillées dans la boue les hermines brodées sur les képis qui tombaient du front des morts.... et Français et Teutons ont fait la paix sur le dos des Bretons.
- Puis viendrait le repas....Ah, le rôti ! Ah, le far!
- Car après tout, la pomme ridée n'a pas perdu son goût.
Éditions : Keltia Graphic (2009) : http://edmontagnesnoires.weebly.com/